top of page

États-Unis : Face aux offensives du camp Trump, où sont passés les démocrates ?

  • ylanslimane
  • 29 mars
  • 8 min de lecture

Sur la scène médiatique, Donald Trump est partout et sur tous les sujets : immigration, Ukraine, droits de douanes, Gaza... Et il n'est pas le seul, car son grand allié Elon Musk, son vice-président J.D. Vance et le reste de ses alliés ne manquent pas non plus d'occuper le terrain. Mais alors, pourquoi les démocrates ont-ils subitement disparu et laissé le champ libre à la galaxie Trump depuis la défaite de Kamala Harris en novembre dernier ? Entre gros coups de blues, guerres intestines et stratégie du silence, on revient sur les difficultés du Parti démocrate à revenir sur le devant de la scène.


L'ancien président démocrate Joe Biden avec sa vice-présidente Kamala Harris et son secrétaire d'État Antony Blinken, le 10 octobre 2023. | Wikimedia Commons
L'ancien président démocrate Joe Biden avec sa vice-présidente Kamala Harris et son secrétaire d'État Antony Blinken, le 10 octobre 2023. | Wikimedia Commons

Un président omniprésent


Il avait annoncé un massacre, et il n'a pas déçu. Le retour au pouvoir de Donald Trump s'est accompagné d'une cascade de mesures visant à détricoter l'ensemble des décisions prises par l'administration Biden durant les quatre dernières années. Pas un jour n'a passé sans une nouvelle annonce choc, sur des sujets divers et variés. Sur l'immigration d'abord, qui était le thème phare de sa campagne, Trump a frappé fort en expulsant à tour de bras les personnes immigrées en situation irrégulière et en retirant les papiers à des centaines de milliers d'entre elles, non sans provoquer quelques crises diplomatiques avec la Colombie où le Venezuela par exemple. Sur les discriminations, le pourfendeur de "l'idéologie woke" était attendu et redouté par beaucoup, et ça n'a pas loupé : chasse aux sorcières contre les politiques de promotion de l'inclusion, expulsion des personnes trans de l'armée et des compétitions sportives... Concernant les coupes dans les dépenses publiques promues par le républicain, c'est Elon Musk et son Doge qui frappent le plus fort, avec des licenciements à tout va, même dans des domaines de sécurité nationale, contraignant parfois le milliardaire à revenir sur ses mesures. Autre exemple, celui de Medicare et Medicaid, qui concernent plus de 150 millions d'Américains, et qui vont voir leurs dépenses publiques être réduites de 880 milliards de dollars. Enfin, le dernier sacrifice en date est celui du ministère de l'Éducation nationale qui, à défaut de pouvoir être complètement démantelé faute d'une supermajorité nécessaire, se verra amputer d'une large partie de ses subventions.


À l'international, le retour de Trump était aussi redouté par beaucoup, et à raison : droits de douanes de 25% contre ses voisins canadiens et mexicains, mais aussi contre l'Europe et la Chine, menaces directes d'annexion envers le Canada et le Groenland, démantèlement de l'USAID qui garantissait les droits humains partout dans le monde... Sur l'Ukraine, son alliance avec Poutine dans le dos du président ukrainien et l'humiliation de celui-ci à la Maison-Blanche le mois dernier ont aussi fait craindre le pire aux pays européens, les poussant à s'unir dans l'éventualité où Trump les lâcherait face à un Vladimir Poutine qui se fait de plus en plus menaçant. Enfin, sur Gaza, sa proposition de transformer le territoire en côte d'Azur au mépris de tous droits humains a donné des sueurs froides aux pays arabes qui se sont empressés de proposer un autre plan pour contrer celui du président américain. Que ce soit à l'échelle nationale ou internationale, la stratégie de Trump semble être d'occuper le terrain, tout le temps, partout. On en oublierait presque que ça ne fait que deux mois qu'il est de retour aux affaires...


La réception de Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, un moment fort du début de ce deuxième mandat de Trump, et un exemple flagrant de la stratégie du buzz constant de celui-ci. | Free Malaysia Today
La réception de Volodymyr Zelensky à la Maison Blanche, un moment fort du début de ce deuxième mandat de Trump, et un exemple flagrant de la stratégie du buzz constant de celui-ci. | Free Malaysia Today

La stratégie du silence risqué du Parti démocrate


Mais dans ce contexte, on attendrait de l'opposition qu'elle soit vent debout contre le président et son clan, ou tout du moins qu'elle apporte une réponse unie face à ceux-ci. Or, il n'en est rien. Depuis la défaite de sa candidate Kamala Harris le 5 novembre dernier et de la perte du Sénat, qui aurait au moins pu servir de contre-pouvoir à la politique de Trump, le Parti démocrate apparaît comme sonné et incapable de se remettre de cette claque électorale.


Toutefois, certains voient dans ce silence une stratégie des ténors démocrates pour éviter de prendre trop de risques dans un champ médiatique qu'ils savent minés. En laissant le champ libre à Trump, les démocrates espèrent ainsi que le républicain se prenne les pieds dans le tapis et s'englue dans des polémiques dont il n'arriverait pas à se sortir. Et force est de constater que c'est ce qu'il s'est passé, du moins en partie. L'exemple le plus flagrant est sans doute celui du Signalgate, qui empoisonne les républicains depuis quelques jours. En effet, le rédacteur en chef du journal The Atlantic, Jeffrey Goldberg, a révélé avoir été ajouté par erreur à une conversation sur l'application de messagerie Signal où de hauts responsables américains tels que le vice-président ou le secrétaire d'État échangeaient sur des frappes contre les Houthis au Yémen. Ironie du sort, lors de la présidentielle de 2016, Donald Trump avait promis de mettre en prison sa rivale démocrate Hillary Clinton après qu'il fut révélé que celle-ci avait utilisé un service de messagerie privé quand elle était secrétaire d'État sous Obama.


Mais cette stratégie a ses limites. Si effectivement Donald Trump voit sa cote de popularité chuter ses derniers jours (48%, contre 54% pour Joe Biden à la même période), le fait que celui-ci a entièrement les mains libres lui permet de se sortir des polémiques en attirant l'attention sur de nouvelles annonces qui lui permettent de revenir au centre du jeu. Dans le même temps, le Parti démocrate a atteint son niveau de popularité le plus bas depuis 30 ans, avec seulement 29% d'approbation, selon CNN. Mais la stratégie qu'adopte le parti n'est pas la seule raison qui explique cette déroute pour les démocrates.


Des divergences stratégiques qui coûtent cher


C'est le 14 mars dernier que les divisions du Parti démocrate ont été étalées au grand jour. Ce jour-là, pour éviter la paralysie budgétaire, Chuck Schumer, le chef de la minorité démocrate au Sénat, et une poignée de ses lieutenants se sont résolus à voter avec la majorité républicaine un budget composé de sévères coupes budgétaires, dénoncé unanimement par l'opposition. Schumer a immédiatement déclenché une levée de boucliers dans son camp, notamment dans sa partie la plus à gauche, certains appelant même à sa démission. La représentante Lauren Underwood avait notamment déclaré :

"Ce que nous avons vu hier soir au Sénat est scandaleux ! Lorsqu’un pyromane met le feu à votre maison, vous ne lui faites pas un chèque pour acheter du carburant.'

Car pour une grande partie de l'appareil démocrate, rester raisonné et constructif face à Trump ne suffit plus, et l'opposition à celui-ci doit passer par une importante mobilisation, autant au Congrès que dans la rue. C'est notamment ce que revendique Bernie Sanders, figure de la gauche américaine. Le sénateur de 83 ans s'est lancé dans un grand tour du territoire américain où son principal mot d'ordre est la dénonciation de "l'oligarchie" du clan Trump. Et l'octogénaire mobilise : son dernier meeting à Denver a réuni plus de 30 000 personnes. De quoi trancher avec l'immobilisme revendiqué par la direction démocrate.


Bernie Sanders, présent dans la vie politique américaine depuis 1971 et candidat par deux fois à l'investiture démocrate, est l'une des rares figures de l'opposition à faire entendre sa voix contre l'administration Trump. | Flickr
Bernie Sanders, présent dans la vie politique américaine depuis 1971 et candidat par deux fois à l'investiture démocrate, est l'une des rares figures de l'opposition à faire entendre sa voix contre l'administration Trump. | Flickr

Certains analystes se demandent même si nous ne serions pas en train d'assister à une sorte de Tea Party à la sauce démocrate. Pour rappel, le Tea Party est un mouvement politique conservateur et libertarien né durant les premiers mois de la présidence Obama et opposé à la politique sociale de celui-ci, alors que les républicains avaient perdu la Maison-Blanche et les deux chambres du Congrès, et ce, en pleine crise financière. Pour beaucoup, le mouvement du Tea Party a représenté les prémices de l'arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2016. Il ne serait donc pas incohérent qu'une version progressiste de ce mouvement voit le jour à l'heure où les divergences stratégiques entre la base et la direction du Parti démocrate semblent plus importantes que jamais.


Un manque cruel d'incarnation de l'opposition


Autre problème de taille pour les démocrates : les divisions du parti ne favorisent pas l'émergence d'une figure forte capable de tenir tête à Donald Trump. Ce cruel manque d'incarnation a un impact direct sur la perception du parti par l'opinion publique, qui, même si elle n'adhère pas aux positions trumpistes, ne se retrouve pas non plus dans un parti qui ne sait pas dans quelle direction aller.


Pourtant, les démocrates ont plusieurs options qui s'offrent à eux. D'abord, le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, apparaît comme l'un des candidats les plus sérieux à l'investiture démocrate en 2028. Déjà mentionné lors du retrait de Joe Biden à l'été dernier, avant d'être rapidement effacé par Kamala Harris, Gavin Newsom jouit d'une image positive, notamment au sein de son propre État. Sa gestion de la crise du COVID-19 avait été acclamée il y a 5 ans, et il avait été confortablement réélu à son poste de gouverneur en 2022. Or, le démocrate s'est attiré les critiques de son propre camp ces dernières semaines : en adoptant la même position que Trump sur la participation des personnes transgenres dans les compétitions sportives, qu'il qualifie de "profondément injuste", il est allé à rebours des positions de son parti, qui s'est fermement opposé à cette mesure mise en place par les trumpistes. Mais le plus grave pour les progressistes, ce sont les invités qu'a reçus Newsom dans les trois premiers épisodes de son podcast This is Gavin Newsom : le militant ultra-conservateur et complotiste Charlie Kirk, le commentateur suprémaciste Michael Savage et l'ancien conseiller de Trump Steve Bannon, récemment épinglé pour avoir fait un salut nazi lors de la grande messe des conservateurs américains. Assumant vouloir parler avec ceux dont il est "fondamentalement en désaccord", le démocrate renforce indirectement les divergences au sein de sa famille politique, en froissant ses alliés progressistes.


Plus à gauche, une étoile montante du parti fait aussi parler d'elle : la jeune représentante de New York, Alexandria Ocasio-Cortez, ou AOC. Devenue la plus jeune femme élue au Congrès en 2018, à seulement 29 ans, AOC est devenue un phénomène politique. Elle affiche souvent sa proximité avec Bernie Sanders, étant régulièrement présente à ses côtés dans son grand tour des États-Unis contre l'oligarchie. Mais l'une des forces d'AOC réside dans son utilisation habile des réseaux sociaux, qui lui permettent de mobiliser les jeunes générations, qui sont généralement celles qui boudent le plus les urnes. Affublée jusqu'alors d'une image de "gauchiste", AOC a réussi, par sa lutte acharnée contre l'administration Trump ces dernières semaines, à se présenter comme l'héritière naturelle de Bernie Sanders, qui ne briguera pas de nouveau mandat aux prochaines élections.


Et Kamala Harris dans tout ça ? La candidate malheureuse à la présidentielle a complètement disparu des radars depuis qu'elle a quitté son poste de vice-présidente, ou presque. On a pu l'apercevoir donner un discours lors de la cérémonie d'une grande association pour les droits civiques le mois dernier, mais sinon, c'est silence radio. Certains lui prêtent pourtant des ambitions pour l'élection au poste de gouverneur de Californie, que Gavin Newsom va quitter en 2026. Et ce poste pourrait bien lui servir de rampe de lancement à une hypothétique nouvelle candidature à la présidentielle de 2028, bien qu'il soit rare de voir un candidat battu aux élections présidentielles revenir dans la course quatre ans plus tard. Mais un certain Donald Trump n'a-t-il pas démontré que cela était possible ? Et puis, Harris avait l'avantage de servir de trait d'union entre les progressistes et les centristes au sein de son parti, qui se déchirent maintenant que celle-ci n'est plus au centre du jeu. Mais un éventuel retour de Harris devra passer par un ralliement des ténors démocrates qui, on l'a vu, ne savent toujours pas quel angle d'attaque adopter pour s'opposer à Trump. L'objectif des démocrates devrait être à présent de préparer les midterms de 2026, qui pourraient les voir gagner du terrain et, pourquoi pas, reconquérir le Congrès qu'ils ont perdu l'année passée.


Alexandria Ocasio-Cortez, Kamala Harris et Gavin Newsom sont tous trois des figures de premier plan du Parti démocrate, qui sont susceptibles de vouloir mener la bataille face aux trumpistes en 2028. | Free Malaysia Today, Wikimedia Commons, Flickr
Alexandria Ocasio-Cortez, Kamala Harris et Gavin Newsom sont tous trois des figures de premier plan du Parti démocrate, qui sont susceptibles de vouloir mener la bataille face aux trumpistes en 2028. | Free Malaysia Today, Wikimedia Commons, Flickr

Yorumlar


bottom of page