L'État Hébreu va devoir s'expliquer devant la Cour internationale de justice. La CIJ commence à analyser dès le 11 janvier la plainte de l'Afrique du Sud, qui condamne des "actes génocidaires" à Gaza, concernant la riposte israélienne à l'attaque du Hamas du 7 octobre 2023. Mais que risquent vraiment Netanyahou et son gouvernement ?
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À gauche, le président sud-africain Cyril Ramaphosa, à l'origine de la plainte devant la CIJ. À droite, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou qui rejette les accusations de Pretoria.
Sur quelles bases se fondent l'Afrique du Sud ?
Allié de longue date à la cause palestinienne, le Congrès national africain (parti au pouvoir, centre gauche) a motivé le dépôt de cette plainte. Pretoria dénonce le décès de 21 000 Gazaouis, dont un tiers sont des enfants, mais également du déplacement de près de 2 millions de personnes selon les chiffres du Hamas.
La plainte s'appuie par ailleurs sur la Convention sur le génocide (datant de 1948), dont l'Afrique du Sud et Israël sont parties prenantes. Ainsi, les avocats sud-africains accusent Israël de "provoquer la destruction d'une partie substantielle du groupe national, racial et ethnique palestinien", ce qui va à l'encontre même du fondement de cette convention. De plus, ils mettent en lumière "une atteinte grave à leur [celle des Gazaouis] intégrité physique ou morale" et "leur soumission à des conditions d'existence".
Pretoria précise dans sa plainte sa volonté de suspendre immédiatement les opérations militaires israéliennes à Gaza, l'arrêt du déplacement forcé des Gazaouis, l'accès total de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza ainsi que l'apport de nourriture et d'eau dans le territoire.
"Aucune attaque armée sur le territoire d'un État, aussi grave soit-elle (...), ne peut justifier une violation de la Convention"
Ronald Lamola, ministre sud-africain de la Justice, devant la CIJ.
Une sanction serait avant tout symbolique
Malgré le dépôt de cette plainte, le gouvernement israélien n'a pas grand-chose à craindre. D'abord, les délais de la CIJ sont très longs, pouvant prendre des années, bien que l'Afrique du Sud se soit préparé à cette éventualité en réclamant d'abord des mesures provisoires d'urgence.
Mais ce qui rend impossible une réelle sanction d'Israël est lié au fait que la Cour ne peut pas contraindre les États à appliquer ses décisions, bien qu'elles soient sans appel et contraignantes juridiquement. Ainsi, en 2022, la CIJ avait ordonné à la Russie de "suspendre immédiatement" l'invasion de l'Ukraine, avec le résultat qu'on connaît.
Cependant, la portée symbolique d'une hypothétique sanction serait forte, car cela pourrait pousser d'autres pays à marquer leur distance avec l'État Hébreu.
Des accusations "absurdes" pour Israël, une requête "sans mérite" pour les États-Unis
Sans surprise, les réactions sont virulentes du côté des accusés. Benyamin Netanyahou a tenu à exprimer son "dégoût", en précisant "Non, Afrique du Sud, ce n'est pas nous qui sommes venus perpétrer un génocide, c'est le Hamas" Il a poursuivi en mettant l'accent sur la "moralité" du Tsahal (force armée israélienne) qui, selon lui "fait tout son possible pour éviter de nuire aux civils, alors que le Hamas fait tout son possible pour leur nuire, en les utilisant comme bouclier humain".
Pour leur part, les États-Unis, principaux alliés d'Israël, ont dénoncé la plainte "sans mérite, contre-productive et dénuée de tout fondement factuel" par la voix du porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby.
De son côté, Pretoria, dont le soutien à la Palestine est lié à une coopération historique, souligne l'héritage de son ancien président Nelson Mandela qui avait déclaré que la liberté de l'Afrique du Sud serait "incomplète sans la liberté des Palestiniens". Cyril Ramaphosa, actuel président sud-africain, tient un discours similaire aujourd'hui :
"Nous avions le devoir de nous lever et de soutenir les Palestiniens."
Reste à voir ce que va décider la CIJ, qui doit d'abord statuer sur la demande de mesures provisoires d'urgence, avant de s'attaquer aux accusations de génocide.
Middle East Monitor
Yasser Arafat et Nelson Mandela, deux dirigeants qui ont su marquer l'Histoire, se serrant la main à l'occasion d'un sommet de l'Organisation de l'unité africaine en 1994.
Très bel article, neutre et éclairant.
Faut continuer ainsi Max 👍